Les DRH ont-ils peur des réseaux sociaux ?

Colloque du 16 octobre 2013

A QUOI RESSEMBLERA LE TRAVAIL DEMAIN ?

Intervention de Sandra ENLART.

Les questions que Sandra ENLART traitera aujourd’hui portent sur la façon dont les réseaux sociaux bouleversent notre façon de travailler.

Quelles pratiques de management cela implique-t-il ? Quelles sont les lignes de partage entre vie personnelle et vie professionnelle ? Par exemple, il est vraisemblable que le bureau dans sa forme actuelle disparaîtra et qu’il sera remplacé par des endroits dédiés avec des espaces formatés pour la détente. Le travail deviendra plus créatif. Les diplômes auront moins d’importance car on s’inscrira dans des logiques de compétences. Il faudra donc veiller à apprendre en permanence et développer ses connaissances. Une partie du temps sera employé à soigner son réseau (Facebook,
Twitter) pour y être bien repéré.

Les changements essentiels seront les suivants :

1/ D’abord une explosion de l’information disponible : dans cette masse d’informations, 70% du temps est consacré à la recherche de l’information, 20% à cibler celle qui nous intéresse et 1% seulement consacré à sa compréhension. Ceci représente une charge mentale lourde qui mobilise le cerveau.

2/ L’immédiateté et le rapport au temps impactent le monde du travail. La perception de l’attente est en train de changer et il faudra trouver des modalités pour donner des réponses immédiates.

3/ Le rapport entre le réel et le virtuel change également. Pour toute une génération, le virtuel influe sur le réel, il est même parfois le réel (ce qu’on appelle réalité augmentée). Il faut donc être attentif au type de société qui est en train de se créer.

4/ Dans la relation au travail, on va assister à une confusion des temps, des espaces et des positions. Confusion des temps car de plus en plus le salarié essaie d’organiser son temps avec le plus de liberté possible, par exemple en travaillant le soir. Les entreprises qui essaient de formuler des interdictions au bureau sont de plus en plus rares. Confusion des espaces car il n’y aura plus d’espaces « protégés » du travail, il n’y aura plus également de lieux dédiés au travail, ce qu’ont bien compris certaines entreprises de restauration qui favorisent le travail dans leurs établissements. Confusion des positions, par exemple un client qui scanne ses achats fait le travail de la caissière, de même que le client d’une banque en ligne fait le travail du banquier. L’entreprise ne sera donc plus un lieu de travail mais un lieu de ressources. Ce ne sera plus seulement un lieu de subordination, elle allouera des ressources à ses salariés et elle leur apportera son concours au delà même du strict domaine du travail.

5/ La nature des relations de travail sera aussi modifiée car on aura beaucoup plus d’informations sur ses collègues de travail et d’une façon générale, sur les salariés de l’entreprise. Concernant les organisations, on aboutira à des écosystèmes qui mettront fin à la coexistence actuelle de différentes formes organisationnelles. Les salariés seront entourés de free-lance et de sous traitants, avec une logique d’excubation (on incube vers l’extérieur pour ne pas augmenter la taille de l’entreprise).

De ce point de vue, les réseaux sociaux constituent un potentiel économique gigantesque pour faire travailler la foule des abonnés à ces réseaux gratuitement. C’est le modèle de l’open source comme Wikipédia. Ces modifications organisationnelles auront des conséquences sur la façon de travailler : moins de hiérarchie et plus de régulateurs, pour mettre en relation les collaborateurs et pour veiller à ce que le collectif fonctionne. Le phénomène de subjectivation du travail va être renforcé car celui-ci sera de plus en plus cognitif. On ne pourra plus manager de la même façon et la
figure même d’autorité sera remise en question.

En conclusion, ces transformations de l’univers du travail sont déjà à l’œuvre et si l’on ne s’y prépare pas, il y aura des exclus.